(Pour rappel, ma NL est longue, lisez-la directement sur le web)
Diffusée durant le SuperBowl, cette vraie-fausse publicité de Vought International, l’entreprise fictive et parodique issue du comics et de la série “The Boys”, nous permet de mieux comprendre ce à quoi les américains sont exposés en permanence.
Beaucoup de storytelling avec grosses ficelles et émotions surjouées pour des réactions toujours plus épidermiques.
Ce n’est pas anodin que je vous parle de “The Boys”. J’ai rarement vu une parodie aussi peu subtile (j’adore pourtant) être aussi mal comprise.
Il aura fallu attendre la saison 4 pour que les trumpistes de tout le globe comprennent qu’ils étaient moqués depuis plus de quatre ans dans la série et que Homelander était une caricature de Trump. Et accessoirement le méchant de l’histoire… (Bizarrement, sa romance avec une nazie dans la saison 2 ne leur a pas mis la puce à l’oreille)
Et leur réaction ne s’est pas fait attendre : ils ont boudé. Et pour beaucoup, se sont davantage radicalisé. L’élection américaine n’est est que plus édifiante…
J’avais initialement prévu de parler de la mort en novembre (Halloween, Toussaint, etc.), mais nous allons plutôt parler de l’éternel conflit entre le bien et le mal.
Et de comment les récits peuvent en faire basculer l’issue.
Les temps changent. Oui. Les récits, non.
Prenez donc cette Amérique fracturée entre ses deux récits dominants. Celui d’un homme blanc fort hétéro juché sur son cheval, soleil couchant, et subvenant aux besoins de sa femme pure entourée d’une horde de marmots. Un homme qui sue sang et eau pour sa famille, sa patrie et la gloire d’une Amérique qui domine économie et géopolitique mondiale.
Et puis, prenez le récit de cette jeune femme issue d’une minorité (sexuelle et/ou etnico-religieuse) qui enchaîne les café Starbucks et les tenues Prada dans un décor digne de Sex and the City, une [femme] qui n’est plus dans un rapport de soumission béat et romantique envers ce mâle blanc, bien au contraire. Une femme qui déplore que l’Amérique se soit construit sur un génocide et la traite négrière.
Et vous obtenez le fondateur bâtisseur, contre l’anarchiste déconstructiviste.
Les élites bourgeoises américaines énervaient peut-être déjà les rednecks dans les années 80, mais elles avaient encore le bon goût de produire des séries et des films à la gloire de ces hommes tout-puissants qui ont fait la gloire des USA.
Aujourd’hui, ces mêmes élites bourgeoises qualifient le héros de pellicule et d’imaginaires Clint Eastwood de facho.
L’homme blanc est moqué régulièrement par des super productions qui mettent en avant un agenda politique plutôt qu’une narration solide (qui pourrait tout aussi bien critiquer ce même homme blanc, sans en faire un socle central de la promesse narrative.).
Et je dis “homme blanc”, car il s’agit de la figure de proue du vieux monde, mais la femme conservatrice est également en ligne de mire. Avec les réseaux sociaux et les délires hystériques antivax et platistes (je vais vraiment me faire des potes avec cette édition, tiens…), c’est tout un pan d’une société qui, jusqu’ici, n’existait qu’en marge de nos productions hollywoodiennes, qui est moquée.
Il s’agit là aussi d’une parodie issue de “The Boys”, de ces émissions web relayant des idées complotistes. Firecrackers est une femme sexy qui porte haut les valeurs conservatrices américaines (pro armes, etc.) et qui parle de cet “Etat-profond”, etc.
Sauf que ça n’a en réalité rien de parodique. Des émissions et des propos comme ça, non seulement on en voit régulièrement aux US… mais aussi de plus en plus en France.
A propos des machines qui ont défilé à Toulouse récemment de nombreuses personnes se sont émues des figures du Minotaure Astarion et de la femme-scorpion Lilith :
Je pourrai faire le tour de la planète avec des screens. Rien que de Twitter.
Ces idées de décadence sexuelle | religieuse | politique, etc. nous vient du même pays que celles sur les revendications décolonialistes, etc.
En important les questions de genre, de luttes raciales, etc. (Des questions que j’estime personnellement intéressantes, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.) en les important, nous avons aussi importé les réactions adverses.
Un peu comme quand on importe des containers de bananes d’outre-atlantique… et qu’on découvre qu’il y a les énormes araignées éponymes avec.
A ceci près qu’avec les réseaux sociaux (et plus largement internet - dont les plateformes de streaming, légal ou non), le soft power n’a jamais été aussi simple.
Et ce ne sont pas les K-Drama qui vont me contredire…
Tout ça, j’en parle initialement un peu ici. En expliquant en substance que, finalement, “tout ça est de la faute des wokes”. Et qu’en tant que membre du club dans ma petite mesure, j'ai beau le déplorer, je le constate.
Les récits sont tout-puissants. C’est comme ça.
Faites d’un oppresseur un opprimé par l’entremise d’un discours politique et culturel, alors même que ce dernier est la figure à la fondation de la nation, et l’élastique vous revient aussi sec dans la gueule.
Parce que, contrairement aux nazis, cet homme blanc cis het n’est pas une figure imaginaire, mais bien une catégorie de personnes ayant droit de vote et réseaux sociaux, il peut incarner une minorité oppressée. Et nous savons combien nous aimons les mythes façon David contre Goliath.
C’est toute la posture de Donald Trump, d’ailleurs, et ce, depuis sa première élection : incarner ce qu'était originellement l’Amérique et que les wokes | immigrés | pédosatanistes essaient de détruire.
C’est littéralement un narratif de lutte de civilisations qui se déroule sous nos yeux.
Un narratif qui, si vous êtes attentifs depuis une bonne vingtaine d’années, existe ici aussi.
Et qui remporte déjà coups sur coups les élections.
Élu pour la seconde fois, Trump parle pourtant de victoire “comme l’Amérique n’en a jamais connu”. Pourquoi ? Parce que cela fait de ce combat un combat historique.
Et je ne parle pas de combat par hasard. Une victoire est une question de bataille. Et les batailles sont épiques.
[Ne m’évoquez pas la victoire sportive ou compétitive des jeux de société. Je vous rappelle qu’il y a un jeu de cartes qui s’appelle littéralement “la bataille” et que toute personne ayant fait une partie de Monopoly (ou de 7 wonders) sait exactement ce que je veux dire quand j’évoque “la guerre”.]
D’ailleurs, juste après avoir remercié ses électeurs, il poursuit sur ce registre :
“Je me battrais pour vous, vos familles et votre avenir. Tous les jours, je me battrais pour vous, de toutes mes forces (“every breath in my body” - beaucoup plus puissant en vo). Je ne me reposerai pas tant que le pays ne sera pas fort, sûr et prospère à nouveau. Nos enfants (“Americans” ?) le méritent et vous aussi. Ce sera (“Truly”) l’âge d’or de l’Amérique. […] Nous allons pouvoir rendre sa grandeur à l’Amérique ! Ooooh, nous allons le faire” !
Nous retrouvons ici cette sémantique belliqueuse. Cette idée que le pays a souffert et que lui est le défenseur de cette Amérique. De cette IDÉE d’Amérique !
A nous, français de moins en moins éduqués politiquement, cela peut nous paraître étrange que le fantasme national soit plus puissant que la réalité.
Pourtant, le Roman National est une composante inévitable des Nations.
Comme je le dis dans mon livre… Sans me citer exactement, car flemme : l’une des principales fonctions du récit est de rassembler les gens. De créer du commun (le mot “communication” vient de là).
Et la raison pour laquelle les USA sont beaucoup plus axés sur le storytelling que nous autres européens est inhérente à la construction de ce pays.
Un pays dont l’histoire est profondément contemporaine, bricolée à partir de récits et de cultures diverses, sur une pile d’atrocités qui, si elles sont prises en compte telles quelles, empêchent toute cohésion.
C’est l’histoire d’un français, d’un anglais, d’un espagnol et d’un Néerlandais qui entrent dans un saloon…
Disclaimer : ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Il est nécessaire de reconnaître les exactions perpétuées par les nations (traite des noirs, génocides des peuples indigènes ici ou là, etc.). Mais cela ne peut se faire sans construction d’un autre récit commun. Or, il me semble que la séquence actuelle (et mondiale) manque cruellement de cette reconstruction narrative.
Après, comment, quand, avec qui, quoi… J’en sais rien, c’est pas mon travail.
Je triche, ce n’est pas une pub. Enfin… Pas au sens traditionnel.
Trump a su immédiatement capitaliser sur cette séquence. Immédiatement. Avant même de lever le poing, il savait ce qu’il avait à faire pour transformer cette attaque en victoire narrative.
J’ai d’ailleurs lu des français bandeurs de narrations masculinistes le qualifier de “vrai guerrier parce qu’il se relève tout de suite comme un vrai homme au lieu de se cacher.” (la citation n’est pas exacte, mais vous avez l’idée.)
Le fait que ce genre d’éloge provienne de quelqu’un de plus de 50 ans avec une culture marketing et politique américaine certaine m’exaspère au plus haut point et me fait dire que, décidément, personne n’échappe à la puissance du récit.
Et c’est pas faute de chercher à vous donner les armes pour le décrypter.
Sauf là. Là, je vous laisse sans proposition de décryptage avec seulement ce que j’ai dit précédemment, et cette image. A vous de me dire ce que ça vous évoque, maintenant que vous connaissez la fin du chapitre.
Sans aucun rapport avec notre sujet, voici ce que j’ai repéré ici ou là sur LinkedIn pour vous :
💵 Sébastien Cambet nous parle du payant Vs gratuit : Comme à son habitude, il nous propose un carrousel au design léché et à la clarté cristalline.
👌 Paul Charon, fondateur de OMAJ fait une pierre de coups : avec un newsjacking du tonnerre, il dévoile une nouvelle fonctionnalité de leur e-commerce. J’adore !
🪶 Emilie Guillerez rappelle que les adverbes sont essentiels : et elle met un petit taquet aux injonctions débiles des pseudo-copywriters de la plateforme. Avec pédagogie, en plus !
☠️ François Pacull déroule un amère constat à propos de LinkedIn : que je partage, et qui ne changera pourtant rien à la plateforme. Mais ça fait du bien.
🎓 Marion Duvernoy nous parle de la prospection : dans une de ses illustrations dont elle a le secret, elle nous explique très simplement les types de prospections qui existent.
🤡 Maéva Berlioux s’est amusée avec la série Kaamelott et les clients : dans une comparaison assez fun.
🔥 Jérémy Anglade rappelle qu’il faut arrêter de faire des généralités en marketing ! Avec l’exemple de PNL, il rappelle que les heureux accidents existent aussi et qu’il est inutile d’en tirer des leçons sur LinkedIn.
🟠 Anthony Jorand analyse le marketing du sourire… et de l’horreur : c’est aussi pédagogique qu’esthétique, et c’est très intéressant.
🤩 Sébastien Cambet, encore lui, nous fait passer un quizz sur le personal branding : avec un carrousel toujours parfait, et surtout une idée gamifiée simple pour vendre son produit, je dis “bravo” !
🔍 Ares Fael nous décryptait l’histoire des logos politiques Américains : et c’est à lire, bien entendu.
👀 Hanna Grochocinska proposait un carrousel d’analyse sur le storytelling de Kamala Harris : avec en lien celui sur Trump. A relire avec tout ce qu’on s’est dit !
Purée… Mais j’ai enregistré trop de choses, moi… ! Je ne vais pas pouvoir continuer de vous parler de tout ce que j’ai noté, c’est peut-être le signe qu’il faut que je fasse ma newsletter plus souvent.
D’ailleurs à ce propos - Petite discussion de vous à moi
StoryPunk est en train de devenir dans ma tête bien plus qu’une newsletter. Je vous en reparlerai prochainement.
Mais, justement, vous êtes nombreux à me dire que si le format vous permet de vous poser et de réfléchir, il n’en reste pas moins sacrément long.
Je pense à raccourcir cette newsletter, voire à passer en bi-mensuel (+ hors-série).
Et je m’interroge également sur le contenu, la forme, le fond. Par rapport à mes concurrents, bien entendu, mais aussi par rapport à vos attentes. Alors, c’est le moment des sondages et commentaires. Je compte sur vous !
Passons aux questions ouvertes, j’ai vraiment besoin de votre avis. Ce n’est pas pour créer de l’engagement artificiel (bien que vous pourriez plus souvent liker, commenter et partagez bande de [insérez ici ce que vous voulez]).
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans cette version actuelle de la newsletter ?
Qu’est-ce que vous aimez le moins ?
Qu’est-ce que vous aimeriez voir abordé (formats, sujets…)?
BONUS : Pourquoi ce titre ?
Il ne me reste plus qu’à vous remercier d’être toujours au rendez-vous pour ces instants de réflexion. Merci par avance aussi pour votre implication dans les réponses.
(je commente mais je me garde le gros de la news pour demain 😄)
Sur tes questions :
- "Préféreriez-vous une newsletter plus courte ?" j'ai mis "ça dépend". Personnellement, je lis tes news avec joie et ça ne m'emmerde pas de poser 10 ou 15 minutes pour me l'enquiller. Je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde, et j'en suis à me demander si, moi aussi, je dois pas tailler dans le lard en fait ; faire plus court, mais dense (d'où le "ça dépend", raccourcir pour raccourir n'aurait pas de sens). Vu comme ça, ça frôle presque l'exercice de style.
- Sur la DA j'ai mis "non", mais en fait ça dépend de ce que tu veux faire derrière, du coup ça dépend (ça dépasse, hohoho)
- Ce que j'aime le plus, clairement, le billet principal et ton point de vue analytique et critique. Ce que j'aime le moins... excellente question. Si je dois me forcer à trouver un truc, peut-être la sélec' LinkedIn, je m'attendais à voir davantage de trucs focus story ou brand.
- Sur les trucs que j'aimerais voir abordés, autre... bonne question 👀
J'ai l'impression de passer au tableau !
- Qu’est-ce que vous aimez le plus dans cette version actuelle de la newsletter ?
Déjà, ton style d'écriture qui fait que c'est un plaisir de te lire. Les références pop culture, la limpidité des exemples. Son format qui laisse le temps de poser le sujet, de le développer, d'y réfléchir.
- Qu’est-ce que vous aimez le moins ?
Je n'utilise pas les musiques d'ambiances quand elles sont signalées, parce que je n'aime pas sortir de la NL et on se tape souvent la pub YT avant le contenu. Je trouve que ça casse le rythme.
- Qu’est-ce que vous aimeriez voir abordé (formats, sujets…) ?
Le thème des récits d'actualité est top, de s'interroger sur les récits prédominants du moment.
- BONUS : Pourquoi ce titre ?
Tu es la punk du storytelling, qui déconstruit l'ordre établi et largement admis pour proposer un regard "éveillé" sur les récits d'actualité et leurs enjeux.
- PS : je prends la ref 7Wonders personnellement <3