[Hors-Série] Quand les nazis sont devenus de la fiction
Prenons le temps d'y réfléchir 15mn...
Quand j’ai vu la tête de mon fils lorsque je lui ai dit que les méchants de Captain America avaient vraiment existé, j’ai compris quelque chose d’essentiel : les nazis sont devenus des animaux fantastiques au même titre que les dinosaures…
Dites, vous ne trouvez pas qu’il fasse chaud en ce moment ?
L’été a commencé, l’entre-deux-tours bat son plein… le hors-série spécial bruits de bottes et bras tendus est là pour vous !
PS : Comme toujours, cet épisode est trop long pour le mail, je vous laisse lire la version entière sur le site directement :)
S’il y a des méchants iconographiques qui ont bercé notre enfance, à nous, générations MTV, c’est bien les nazis. D’Indiana Jones à Captain America, en passant par à peu près tous les jeux vidéos possibles de guerre, les nazis et leur univers sont entrés très largement en popculture.
La faute à notre besoin de catharsis en nous permettant de re-tuer inlassablement ces monstres sous le lit ? Ou bien est-ce lié à leur imaginaire plein d’ésotérisme, de codes couleurs ultra-marketés et de désirs morbides hélas assouvis ?
Dans cet épisode hors-série de Storypunk, nous allons explorer cet univers fait de rouge, blanc et noir, de lettres gothiques et de vestes longues en cuir. Tout du long, on observera ce que la culture fasciste et nazie a produit dans notre société comme imaginaires. Puis, on évitera de se demander frontalement si tout ceci n’aurait pas - un peu - participé à une certaine dédiabolisation…
Car, qui a peur d’une créature devenue mythologique…?

J’annonce la couleur pour cette newsletter : oui, les nazis sont les méchants. Ils sont des méchants caricaturaux (comme on le verra), qui conviennent de fait parfaitement à nos petites histoires pour nous faire peur.
C’est donc parfaitement en conscience que je fais le lien entre eux et le loup écrit par Prokofiev dans le conte symphonique “Pierre et le loup”.
On sait, dès qu’on voit un long manteau noir, des bottes cirées et des gants qui grincent ; on sait qui est le méchant. Tout comme on le sait dès qu’on entend les premières notes de haubois…
Sommaire (non cliquable) :
I - Le nazi est-il réellement le méchant de l’Histoire ?
II - L’Art et l’iconographie nazis au regard du 21ᵉ siècle
III - Der Übermensch, ou la résurrection du héros grec ?
IV- Hitler, Captain America et Dark Vador
V - Nazisexploitation, pourquoi je bande ?
VI - AAAAAATTENTION au point Godwin !
VII - Conclusion
I - Le nazi est-il réellement le méchant de l’Histoire ?
Tenues militaires, accent allemand, visage coupé à la serpe, tendance à vouloir exterminer son prochain et à brûler des livres, le nazi a une image très forte. Il est immédiatement reconnaissable, comme une liche dans une histoire fantastique ou un monstre marin tentaculaire.
Pendant des siècles, l’humanité a produit guerres, génocides, dictateurs et meurtriers de masse, mais jamais une caste n’avait aussi bien incarné le mal absolu. Hitler et ses nazis ont réussi à même éclipser les fascistes de Mussolini, les Francistes, les Kamikazes ou encore les Purges des Goulags.
Faut dire qu’eux cochent absolument TOUTES les cases des monstres historiques :
Image de marque très forte (merci les balbutiements marketing)
Philosophie absolutiste
Moyens financiers et technologiques ahurissants
Traumatisme durable sur la population mondiale.
D’ailleurs, vous avez déjà fait le test ?
“Si tu pouvais revenir dans le passé et tuer UNE SEULE personne, qui tuerais-tu ?”
La majorité des gens répond invariablement : “Hitler”.
Essayez autour de vous. Et regardez la quantité de questions relatives à celle-ci que l’on peut trouver sur le web et ne serait-ce que sur Quora.
Hitler est l’incarnation du mal absolu, ce qui fait des nazis des suppôts de Satan.
Le nazi est opposé à la liberté,
Il est raciste, sexiste, homophobe […],
Il parque les gens dans des camps de travail — quand il ne décide pas purement et simplement de les exterminer,
Il prône une société fondée sur la force brute et l’eugénisme,
Il contrôle l’accès à la culture et à la Presse,
N’hésite pas à brûler des livres, des écoles… et des gens,
…
Bon, qu’est-ce qu’il y a à sauver chez le Nazi, hmm…? Les autoroutes ? Allons, un peu de sérieux !
En clair, le nazi est en quête perpétuelle du pouvoir — y compris mystique, il est complotiste ET fomente un complot pour renverser le monde via des sociétés secrètes, il est opposé à toute forme de modernité, et donc, d’avenir. En somme, il est l’ennemi juré des héros.
Mais ce qui les rend si iconiques est moins leur absolue “noirceur” que l’imagerie produite par le nazisme. Une imagerie qui a impacté et transformé le monde à jamais. Qui l’a même traumatisé.
II - L’Art et l’iconographie nazis au milieu de son époque
Pour Hitler et ses sbires, il y a l’Art intact et pur de l'Antiquité et l’Art “dégénéré”, car salit par les juifs. Comme souvent avec le fascisme, la bonne culture est celle du passé fantasmé, opposée à la mauvaise culture moderne, considérée, elle, comme décadente.
Dès lors, tout passe par l’image. Des uniformes au cinéma, en passant par les affiches qui ont, encore aujourd’hui, un impact monumental sur le marketing moderne.
L’idée même de créer un logo à part entière pour son parti est une révolution !

Pour autant, chez les communistes russes, cela fait déjà depuis les années 20 qu’on adopte çà et là le marteau et la faucille comme emblèmes… Mais voilà, le logo bien connu n’existe pas encore véritablement.
Ajoutez à cela des questions de police d’écriture, une interdiction des anciens symboles du Reich et une machine bien huilée en matière de propagande et vous avez un pays tout entier qui ne s’exprime qu’à travers un imaginaire fait d’hommes et de femmes “purs” dans des poses héroïques.
MAIS.
MAIS.
MAIS… Ce n’est pas que de la faute des nazis. En réalité, c’est une question d’époque :





Un imaginaire graphique qui nous fait abondamment penser à celui des supers héros… et pour cause !
III - Der Übermensch, ou la résurrection du héros grec ?

Bien que Goethe ait dessiné dans Faust le concept de surhomme, c’est bien à Nietzsche que l’on doit sa vulgarisation et sa propagation à toute son époque.
D’ailleurs, l’idée ne passe pas quand elle sort. D’abord parce qu’elle sous-entend qu’au-dessus de l’homme, il n’y a pas Dieu (qui est mort, selon le philosophe), mais bien un sur-homme, mais aussi parce que beaucoup pressentent déjà la fosse à purin que ça peut engendrer.
Entre fin du 19ᵉ et début 20ᵉ, l'être humain est à un carrefour historique.
Le recul de la nature et du religieux, au profit de la technologie humaine, façonne un narratif inédit : l’humain possède le pouvoir. L’humain peut se dépasser.
C’est l’époque des colosses bodybuildés dans les cirques (qui inspireront largement les costumes de supers, d’ailleurs), des vols dans les airs, des imaginaires scientifiques steampunk (on remercie un des pères du mouvement qui se trouve être Jules Verne), mais aussi des fantasmes à propos de la biochimie ou des essais radioactifs sur le genre humain.
C’est l’époque où on loue les corps parfaits d’Achille le héros grec et où on crée des hommes invisibles, des individus à la super-force et aux yeux lasers… bref, où on crée des supers héros et des supers vilains.

Mais revenons deux minutes à Nietzsche et à ce que les nazis ne comprendront pas de son oeuvre. Pour le philosophe, le surhomme accepte la nature même du monde, son aspect chaotique, sa [dimension absurde, aléatoire et tragique]. Il n’est pas le produit supérieur de l’être humain dans une dimension darwiniste, mais bien le résultat de sa volonté propre de se surpasser.
En gros, et pour faire plus clair : le surhomme de Nietzsche a moins en commun avec la vision des nazis que celle de la Silicon Valley. Ironiquement.
Mais qu’importe que les nazis (et beaucoup encore aujourd’hui) n’aient pas compris la pensée de Nietzsche, car doivent s’opposer alors le narratif de l’être humain basique dans son essence à la race supérieure. Le décadent au pur. L’animal à l’Homme.
Quel rapport avec Superman ? J’y viens.
Là où les nazis voyaient des humains parfaits dans leur essence.
Là où Nietzsche imagine des humains se surpassant par leur volonté.
Se crée l’idée de supers aux pouvoirs mystiques et inhumains.
Des dieux. Ni plus, ni moins. Ou, des héros grecs, en somme. Mi-humains/Mi-dieux. Idéal moral et physique permettant de se situer dans son humanité.
Peter Parker/Spiderman. Klark Kent/Superman. Tous avec des aptitudes qui dépassent très largement celles des héros de l'Antiquité, mais avec cette même essence dans la dualité entre mortels et divin.
Des dieux inventés à profusion et empruntant pour beaucoup aux polythéismes du monde entier, destinés à nous protéger d’une époque où Dieu serait mort et où l’Homme est un loup pour l’Homme.
Où, en somme, plus rien n’a de sens tant le monde d’hier s’effondre sur lui-même.
Rien à voir avec une époque où l’IA et le réchauffement climatique traumatisent tout un chacun au milieu d’une absence de récit global de cohésion… bien entendu.
IV- Hitler, Captain America et Dark Vador
Si Superman était à l’origine un méchant, avant de devenir l’immigré xénoplanétaire élevé par des paysans dans une étable (en somme : le juif devenu christique), Captain America, lui, a été pensé dès le début comme un outil de propagande et de catharsis face à la montée du nazisme en Europe !


J’ai, pour ma part, longtemps trouvé que le personnage de Captain America était très peu intéressant et totalement cliché. Et pourtant, contrairement à Superman ou à Batman (que j’adore pour ce dernier), sa création politique est d’une intelligence rare :
Les auteurs, Simon et Kirby ne font pas de Steve Rogers un être venu d’ailleurs ou quelqu’un de riche. Au contraire, il vient des milieux modestes, à l’instar des nombreux futurs soldats américains de la WW2. Il bénéficie néanmoins de l’injection d’un sérum (encore et toujours cette science sauveuse) inventé par le Professeur Reinstein. Eux-même d’origine juive, les auteurs y signent ici leur volonté de transformer, pour le mieux, la jeunesse américaine face au nazisme européen.
Il faut dire qu’en 1941 encore, la majorité des USA voulait rester neutre face à Hitler…
C’est justement le milieu du comics américain qui s’empare le premier de cette opposition qui restera forte dans la culture pop par la suite. Premier ennemi du Captain ? Crâne rouge en personne. Un personnage difforme, déshumanisé, représentant la violence et la vanité même.
Quant au Captain, après la guerre, l’engouement s’effacera, jusqu’à ce qu’il réaparaisse dans les années 60 grâce à Stan Lee, où on lui inventera une histoire d’hibernation bien pratique, tout en ressucitant aussi Crâne Rouge au passage, parce que les nazis… c’est toujours un méchant à la mode.
D’accord, dans Indiana Jones, notre archéologue préféré, lui, se bat directement contre des nazis. Spielberg les utilisera longuement comme antagonistes. Mais son pote de l’époque George Lucas (qui aura d’ailleurs travaillé sur les Indina Jones), réemploie lui aussi dès 1977 cette iconographie. D’ailleurs… Hein ? Bon…
C’est-à-dire que l’idée du mal absolu qui arrive au pouvoir par les urnes, c’est quelque chose qui travaille beaucoup George Lucas. Assez pour que derrière une fresque de space opera un peu new-age se cache en réalité une vive critique de l’impérialisme américain (on sort tout juste de la guerre au Vietnam lors de la sortie de l’épisode IV) et une mise en garde contre la monté du fascisme dans des pays dits libres, sous couvert de la guerre.
Mais je n’ai pas le temps de vous expliquer pourquoi, non, Star Wars ne s’est pas politisé du jour au lendemain.
Pas plus que je n’ai le temps de vous expliquer pourquoi la série The Boys a toujours été politique et antifasciste…
Toujours est-il qu’il y a ce qu’on appelle dans l’industrie culturelle la “Nazis(ex)ploitation”, sorte de mouvement qui utilise de près ou de loin le nazisme dans la culture pour [dénoncer|promouvoir|identifier|exciter]. Un mouvement qui fera passer peu à peu Hitler&co pour des personnages fictifs à part entière d’un univers érotique improbable…
V - Nazisexploitation, pourquoi je bande ?
Derrière ce titre putassier se cache pourtant une réalité qui, je pense, mérite d’être repensée en cette période.
A l’origine, on parle de Nazisploitation. Ou Nazi Porn. est un genre cinématographique émergent dès les années 60 (soit moins de 25 ans après la fin de la WW2) consistant à mettre en scène des nazis dans des films érotiques.
Le principe est simple : sexualité “débridée” (en gros BDSM pour l’essentiel) dans des camps et/ou avec des femmes nazis, cravaches et j’en passe. Pour une liste non-exhaustive de vieux films qui érotisent ce qu’il s’est passé dans les camps, je vous propose celle-ci.
Pour ma part, je parlerai ici de Nazisexploitation pour absolument toutes les utilisations de l’iconographie nazis et hitlerienne dans la popculture.
Cinéma
Documentaires
BD
Comics (oui, je différencie)
Séries
Jeux vidéos
Jeux de rôles
Livres
Déguisements…
En 2012, Daniel Erk, auteur du livre "So viel Hitler war selten", "Hitler a rarement été aussi présent", aux éditions Heyne, le disait :
"La première génération qui en apprendra plus sur Hitler et le Troisième Reich sur YouTube que dans les cours d'Histoire, semble déjà née"
Non seulement la question d’Hitler et du nazisme n’est plus tabou, mais elle fait même vendre ! La publicité n’est clairement pas la dernière à l’utiliser…
La citation est certes déformée, mais elle est toutefois attribuée à Hitler. Pourquoi ? Quel intérêt narratif ? Allez savoir ! On fait le buzz avec ce que certains n’hésitent d’ailleurs plus à appeler sur Internet “Tonton Adolf” ou “Tonton”, pour aller plus vite…
Bien entendu, on continue aussi de brandir Hitler comme un grand méchant :
"Le danger est qu'Hitler (...) ne fasse bientôt pas plus peur que Gargamel n'effraie les Schtroumpfs"
"Il ne faudrait pas laisser la transmission de l'Histoire à des publications de boulevard, aux comiques et à Hollywood (...) car la banalisation du mal avance inlassablement"
(Daniel Erk, encore)
Résultat ?
De nombreux jeux vidéo vous font tuer des nazis et nazis zombifiés. Mais aussi incarner des résistants ou carrément… aider des nazis, qu’ils soient sous forme de blindés panzers ou de Hitler en cavale.





Et en bonus…

VI - AAAAAATTENTION au point Godwin !
“La loi Godwin l'affirme: "Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Hitler se rapproche de 1." Celui qui s'en rend coupable gagne "un Point Godwin". Aujourd'hui aussi célèbre que les plus grandes lois physiques, cette règle est née en 1990. Mike Godwin, un jeune avocat américain, la formule sur un des premiers réseaux sociaux de l'époque. “
Tiré de cet article de l’Express, parce que j’avais la flemme de paraphraser.
Vous ne pourrez qu’être d’accord, surtout en ce moment. L'Express poursuit :
“Selon lui, notre obsession pour le souvenir de la Shoah et la limite qu'elle pose désormais à la liberté d'expression ne sont rien d'autre que le signe de notre incapacité contemporaine à admettre et à comprendre le mal. Or, "le nouveau totalitarisme n'aura plus, demain, les atours d'une petite moustache et d'une mèche, mais il prendra à coup sûr l'image de la force", prévient-il.”
D’accord. Admettons que nous ne soyons plus capables de reconnaître le fascisme, sous prétexte que nous avons tant caricaturé ses icônes que si ça ne leur ressemble pas directement, on n’y prend garde. Admettons.
Que se passeraît-il si Hitler et ses sbires se pavanaient devant nous ?
C’est la question que pose le livre et le film “Il est de retour”.
Dans cette histoire, pour une obscure raison que j’ai oublié, Hitler revient à la vie à notre époque et décide de se relancer dans une campagne de domination du monde. Si au début personne ne le prend au sérieux, son influence s’accroît à mesure qu’il capitalise, comme dans les années 30, sur les mêmes ressorts politiques (et narratifs).
D’accord, c’est une fiction qui dit que personne ne verrait le danger, même s’il se présentait directement… Mais vous voulez vraiment connaître le meilleur ?
Le film utilise de VRAIES séquences où l’acteur se promenait dans la rue déguisé en Hitler et où passants et touristes se filment/photographient avec lui en rigolant et faisant le salut hitlérien.
Autant vous dire que le film a fait largement polémique, surtout en Allemagne où les symboles nazis dans les jeux vidéos viennent tout juste d’être autorisés (enfin, ça date de 2018, mais ça reste récent)…
Conscient de ça, Browser Ballett sort en 2019 un clip intitulé “Nazikeule im Dritten Reich” (Traduction proposée en anglais par l’agence elle-même : “Playing the Nazi Card in the Third Reich”) Mettez les sous-titres fr automatiques.
Continuons cette fois du côté de la réalité, aux USA où, certes, ce ne sont pas les armes qui tirent le plus loin, mais où la liberté absolue et l’absence totale de garde-fous produit les pires idées. Il y a un an :
Et pour conclure, je vous laisse avec cette planche de Marc Dubuisson :
VII - Conclusion
Ils sont clairement identifiés, clairement identifiables, ils font consensus (du moins, jusqu’à peu), et ils ont une batterie de super-tenues et supers-étendards qui les rend parfaits pour Hollywood ! Et c’est très bien résumé dans cette vidéo.
En 2025, Arte proposait via son émission BiTS d’analyser le phénomène nazis en popculture :
Je retiens cette phrase de Timo Vuorensola, réalisateur d'Iron Sky.
"Si vous écartez cette peur et que vous en riez, vous mettez en lumière la stupidité de leurs idées. Et au final, il n'en reste rien."
Vraiment ?
[…]
En conclusion, le nazis est devenu - au même titre que Dracula ou Jack l’Eventreur - une figure pop (et pulp).
A ceci près, que ni l’un ni l’autre ne sont la quintessence d’une idéologie. Idéologie qui, elle, n’est pas morte une balle dans la tête un 30 avril 1945.
Malheureusement, comme le disait un certain anti-héros :
“[…] Les idées sont à l’épreuve des balles.”
A la prochaine
.
Merci pour cette analyse très fouillée et documentée. C'est une grande peur en effet que de rendre les nazis (Hitler en tête) stupides, drôle et risible ; et ça devient bien trop fréquent (notamment Inglorious bastard de mémoire ?). La citation que tu as mise en exergue "Le danger est qu'Hitler (...) ne fasse bientôt pas plus peur que Gargamel n'effraie les Schtroumpfs" résume parfaitement le tout !
Passionnant, comme d'hab. Nan vraiment, je regrette pas qu'on ait coupé notre discussion pour que tu finisses ce hors-série 😶
Sur la transformation des nazis en monstres dans la pop culture -> on appréciera quand même cette délicieuse ironie (de l'Histoire ?) consistant à les déshumaniser, donc à les rendre plus faciles à haïr et à combattre avec zéro remords, alors même qu'il s'agissait d'un des points de leur programme.
D'ailleurs, possible qu'au départ cette déshumanisation a aidé les gens à faire face aux horreurs qu'ils ont pu vivre sans être accablés par de vrais morceaux de réalité - et là on retombe sur la catharsis ; les années passant (et le temps avec), on a perdu ce lien tangible pour embrasser le mythe. Difficile de réaliser son introspection et de nous confronter à notre propre capacité à la violence (et à l'inhumanité) quand on en a jamais fait l'expérience.
(Deux oeuvres que j'ai pas mal apprécié là-dessus, le docu "Des hommes ordinaires" et le bouquin "Soldats : combattre, tuer, mourir", avec des procès-verbaux inédits et des récits de soldats allemands, où tu vois bien comment des hommes ordinaires peuvent devenir des instruments de terreur avec les circonstances appropriées.)
Je referme l'aparté ; si on va plus loin, on peut même reconnaître que l'image du nazi monstrueux est devenue "cool" aujourd'hui. Comme tu l'as pointé, la propagande façonnée par Goebbels avec toute son iconographie a créé un truc assez puissant qui, quand tu le détaches de son contexte historique, peut être perçu comme esthétiquement impressionnante pour le quidam moyen.
Tu rajoutes à ça certaines sous-cultures (genre punk et metal) qui se sont réapproprié des symboles nazis histoire de balancer un fuck contre les normes sociales, l'ignorance historique, la surutilisation du nazi ad nauseam dans des contextes de divertissement, du merchandising, tous les germes sont là pour lessiver, et faire oublier, une partie de l'Histoire. Mais après tout, c'est aussi ça, l'Histoire. Les faits deviennent des mythes.
Bon j'vais éviter de faire un pavé alors tl;dr : c'était 'achement bien.